

Figé face à la gerbe de fleurs, le préfet de police Didier Lallement a salué mardi 8 février, paume gantée effleurant la casquette, la sépulture collective des victimes de Charonne dans le carré du Parti communiste du cimetière du Père-Lachaise, à Paris. L’hommage a été rendu au « nom du président de la République ».
Soixante ans après la répression de la manifestation anti-OAS qui fit neuf morts (tous membres du PCF à une exception près) à la hauteur du métro Charonne, l’Etat – à son plus haut niveau – honore leur souvenir. Dans la foulée du dépôt de gerbe du préfet de police, l’Elysée a diffusé une brève « déclaration » dans laquelle Emmanuel Macron « rend hommage à la mémoire des victimes ». Il précise, en outre, que la « manifestation unitaire [le PCF et la CGT ne sont pas cités] organisée pour la paix et l’indépendance en Algérie et contre les attentats de l’OAS » avait été « violemment réprimée par la police ».
Cet hommage n’est pas anodin. Il s’inscrit dans la dynamique de réconciliation des mémoires autour de la guerre d’Algérie impulsée il y a un an par le chef de l’Etat sur les conseils de l’historien Benjamin Stora. La déclaration de l’Elysée sur Charonne est assurément inédite. « C’est la première fois qu’un président de la République rend hommage aux victimes de Charonne», se félicite Benjamin Stora.
Volonté officielle de s’affranchir des tabous
La référence à la « police » qui a « violemment réprimé » est tout aussi significative d’une volonté officielle de s’affranchir des tabous. Un historien marqué à gauche comme Alain Ruscio, auteur de Nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS (La Découverte, 2015), le reconnaît sans mal. Il se dit « satisfait » de cette nouvelle parole officielle, même s’il avoue sa « frustration » devant « ses limites ». « On ne va quand même pas attendre le centenaire de Charonne pour qu’enfin il soit dit que l’Etat français était directement investi dans la répression de cette manifestation pacifique », poursuit M. Ruscio.
Quatre mois plus tôt, le 16 octobre 2021, M. Macron s’était incliné devant la mémoire d’autres « victimes » sur le sol français de cette guerre d’Algérie. Soixante ans plus tôt, plusieurs dizaines de militants pro- FLN avaient péri lors de la répression d’une violence inouïe d’une manifestation pacifique à Paris.
Le président de la République avait récusé la formule de « crime d’Etat » (…) pour lui préférer la mention de responsabilités individuelles
Lors d’une cérémonie de recueillement au pont de Bezons (Val-d’Oise), l’un des sites où ces victimes furent jetées dans la Seine, le chef de l’Etat avait évoqué des « crimes inexcusables pour la République » commis « sous l’autorité de Papon ». Il avait récusé la formule de « crime d’Etat » pour lui préférer la mention de responsabilités individuelles, en l’occurrence celles de Maurice Papon, alors préfet de police de Paris, promu bouc émissaire.
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